Passer des castings pour le cinéma, la télévision ou des publicités se solde souvent par l’échec. Pour les candidats à ces offres d’emploi particulièrement sélectives, relativiser est essentiel.
En six mois et plus d’une centaine de candidatures, Jennifer Benchimol n’a reçu que deux réponses pour passer des castings. Mais la comédienne de 31 ans continue de croire qu’elle trouvera un rôle pour elle. En parallèle de son activité principale, secrétaire dans une association de voyage, la jeune femme parcourt les sites d’annonces de castings, sur son ordinateur à coque bleu fluo. Ce matin, une offre attire son attention : « Femme, entre 25 et 40 ans, pour publicité télévisée. » « Je vais postuler », s’exclame-t-elle, bien qu’elle soit lucide sur ses chances de réussite. « Il faut partir du principe que c’est d’abord non, car c’est la philosophie du casting. Ça ne veut pas dire qu’on n’est pas bon, mais simplement que le réalisateur imaginait quelqu’un d’autre », poursuit-elle.
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« Il ne faut pas s’investir émotionnellement dans les castings, car l’échec fait partie du processus », confirme Dominique Paquet, autrice et philosophe des acteurs. Pour cette dernière, « il faut en passer beaucoup pour que statistiquement cela puisse passer », car les castings sont des « sélections à la chaîne, où les candidats n’ont que quelques minutes pour convaincre. »
Au fur et à mesure que les échecs s’enchainent, Jennifer Benchimol apprend en effet à les relativiser. « Au début, je prenais tout personnellement, se souvient-elle. Je me disais qu’ils ne prendraient que des femmes blondes, minces, qui mesurent 1 mètre 70. » Sur les sites de castings, la jeune femme a coché les cases “brune” et “obèse” pour se décrire. « Avec le temps, je me dis qu’il y aura forcément un rôle pour moi. »
Trop peur pour postuler
Mais certaines n’ont pas le courage d’affronter cette sélection drastique. C’est le cas de Marilia Gruwier, étudiante en première année au Cours Florent. « J’ai toujours eu envie de franchir le pas des castings, mais j’ai aussi toujours eu trop peur de le faire », avoue-t-elle. Sa première année dans la prestigieuse école de théâtre sera sa dernière. « Le casting, c’est un truc qui me stoppe énormément, confie l’étudiante, la voix chevrotante. Le stress, l’angoisse, j’ai peur de me dévoiler devant les gens. » Une situation d’autant plus difficile que son école ne prépare pas à cet exercice, à son grand désarroi.
Thomas D.C déplore également cette absence d’entraînement. Acteur de 23 ans passé par le Cours Florent, ce dernier se souvient du conseil de son professeur de troisième année : « Ne cesse jamais d’y croire ». « Ce sont mes échecs qui m’ont permis d’améliorer mes candidatures », précise le jeune homme, avant de décrire des castings semblables à des entretiens d’embauche. « Il y avait des sélections avec une heure de passage, un texte à travailler en amont, et une démonstration face au directeur de casting ». Son énergie a cependant fini par payer : début janvier, il entame le tournage d’une série française, dans laquelle il a dégoté « un grand rôle ».
Écarter les amateurs
Les directeurs de castings, eux, ne sont jamais à court de prétendants. « Si vous mettez un post sur Facebook, les candidatures explosent », explique Gwendale Schmitz, directrice de casting depuis plus de 25 ans. Pour faire face à cet afflux, cette dernière privilégie les réseaux professionnels : écoles de théâtre, agences, ou plateformes web pour comédiens. « Acteur, c’est comme cuisinier. Il faut passer par une école car c’est un vrai métier », assume-t-elle, la voix rauque.
Cette stratégie, qui évince de fait les candidats amateurs comme Jennifer Benchimol, semble payante. Pour ses castings, Gwendale Schmitz reçoit seulement « entre 20 et 100 profils ». Une manière d’éviter de recaler trop d’acteurs.
Investissement personnel et économique
Outre l’investissement personnel, les castings représentent un coût économique pour les jeunes comédiens. Pour les deux plateformes d’agences de casting où elle est inscrite, Jennifer Benchimol débourse 200 euros par an. A cela s’ajoutent des cours du soir pour perfectionner son jeu, à 1700 euros l’année. « J’ai toujours voulu jouer », se justifie-t-elle.
Sur les quatre agences contactées, aucune n’a encore accepté de la représenter. Mais si la comédienne n’a encore jamais joué devant une caméra, celle-ci garde espoir : « Je me dis juste que mon moment n’est pas encore arrivé ».