Dans son dernier ouvrage « Numéro deux », l’auteur à succès David Foenkinos imagine le destin extraordinaire de Martin Hill, passé tout près d’incarner Harry Potter au cinéma. Le jeune garçon était le finaliste lors des castings, face au désormais célèbre Daniel Radcliffe. Mais il n’a pas été choisi et devant le succès planétaire de la saga, sa vie se résume alors à un rôle… qu’il n’a pas eu. À travers l’histoire de cet échec retentissant, l’auteur pose un regard nouveau sur la lose et ses conséquences.
Louze : Pourquoi vouloir raconter l’histoire d’un échec ?
David Foenkinos : « Ce qui m’a intéressé, et même effrayé, c’est l’ampleur de l’échec de Martin. Il y a une échelle dans les échecs, mais là c’est absolument inédit. C’est un échec atomique dans la vie d’un jeune homme, et j’ai tout de suite mesuré la dimension romanesque d’un tel destin. Normalement, lorsque vous échouez, vous êtes conscient de passer à côté de quelque chose, mais vous ne savez pas exactement quoi. Dans cette histoire, le héros est confronté en permanence à ce qu’il a raté, puisqu’il a la version réussie de sa vie, partout autour de lui. Lorsque j’ai découvert cette histoire, j’ai tout de suite été en empathie avec ce petit garçon, qui a dû y croire. Ça doit être terrible d’être passé si proche d’une vie merveilleuse, et d’avoir été écarté au dernier moment. »
Vous êtes-vous inspiré de vos propres échecs pour imaginer la vie de Martin ?
« Dans ma vie d’auteur, je n’ai pas toujours eu besoin de calquer ma vie sur celles de mes personnages. Quand j’ai écrit La Délicatesse (Gallimard), j’ai raconté la vie d’une veuve et d’un Suédois dépressif. Je suis ni l’un ni l’autre (rire). Mais en plus, l’échec de Martin est unique, puisqu’il n’y a qu’une seule personne sur Terre qui a failli devenir Harry Potter. C’est une pathologie rare. Bien sûr, j’ai puisé dans mes propres émotions pour écrire ce livre. J’ai traversé une grave maladie, et même si on ne peut pas parler d’échec, je pense qu’il y a des similitudes, dans cette fragilité que l’on ressent. Et cette maladie, elle m’a rendu plus fort, comme un échec peut le faire. Aussi, pour imaginer la vie de Martin, je me suis rappelé mes débuts en tant qu’auteur. Avant de devenir une sorte de « Best Seller », j’avais déjà écrit sept romans. J’ai eu des grands moments de lose à ce moment-là. Un jour, j’ai fait une rencontre littéraire, il n’y avait qu’une seule femme présente, et elle traînait simplement à la librairie parce qu’elle avait oublié ses clefs. Je me souviens aussi d’un Salon du Livre où j’étais assis à côté de Jean d’Ormesson et la seule chose qu’on m’a demandé pendant deux jours c’est « où sont les toilettes s’il vous plaît ? ». Et puis plus récemment, j’ai sorti un film qui n’a pas du tout marché (nldr : Les Fantasmes – 2021). Je travaille beaucoup, je fais de mon mieux, mais il arrive que les gens n’aiment pas mon travail. C’est le risque lorsqu’on fait beaucoup de choses. »
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Ces épisodes de lose vous aident-ils à devenir meilleur ?
« On parle de plus en plus de « la vertu de l’échec », et c’est un peu le sujet du livre. Évidemment, ça dépend de l’intensité de l’échec, de sa violence. Ça dépend aussi de si on enchaîne cinquante échecs à la suite. C’est tout à fait relatif. Mais globalement, une situation d’échec peut clairement être positive pour comprendre les choses. On dit souvent qu’il faut avoir raté quelque chose pour pouvoir réussir derrière. Je suis assez d’accord. L’échec est une étape nécessaire pour s’armer, pour digérer, avant d’atteindre le succès. Ça me parait même positif. Dans le cas de Martin, c’est sûr qu’il aurait préféré réussir du premier coup, mais la vertu de l’échec c’est quelque chose que l’on réalise après coup, lorsque l’on a la maturité, le recul. Il y a cette phrase de Winston Churchill que j’aime beaucoup citer : « Le succès, c’est aller d’échecs en échecs », elle résume bien mon état d’esprit. »
Numéro deux, de David Foenkinos, Gallimard, 240 p., 19,50 €. En librairie depuis le 6 janvier.