Un an après son élection, Biden échoue à convaincre

S’il a réussi à voter deux projets de loi importants, le président américain voit sa cote de popularité décliner. Fragilisé par l’inflation et les divisions au sein de son camp, Joe Biden doit encore faire ses preuves.

« Stupid son of a bitch ». Pensant son micro débranché, le président démocrate Joe Biden a insulté un journaliste de la chaîne de télévision conservatrice Fox News, lors d’une conférence de presse mardi 26 janvier. En cause : une question sur l’inflation à 7%, un niveau inédit dans le pays depuis 1982, et son impact quant à la popularité du président. Depuis août 2021, celle-ci a en effet continué à dégringoler, jusqu’à atteindre 41,9% d’opinions favorables mercredi 19 janvier, selon l’agrégateur de sondages du site FiveThirtyEight. 

« Trump avait créé de l’inflation en injectant de l’argent dans l’économie, Biden a récupéré une situation tendue », explique Stéphanie Villers à Louze, économiste et spécialiste des États-Unis. Les deux plans de relance successifs, 900 milliards de dollars pour celui de Donald Trump, 1 900 milliards pour Biden, ont créé « une surchauffe de l’économie », qui a inquiété les Américains. « Ils n’ont jamais vu une inflation aussi importante depuis une vingtaine d’années, et le mauvais souvenir provoqué par les chocs pétroliers des années 1970 n’est pas si loin », poursuit la spécialiste. 

Avec la réouverture des marchés à la fin du confinement, le prix de l’énergie a également augmenté. Un problème, quand on sait que « les Américains utilisent beaucoup leur voiture », complète Maxime Chervaux, professeur à l’Institut Français de Géopolitique (IFG). 

« Il a échoué à concilier les attentes de son camp »

L’autre difficulté à laquelle est confronté Joe Biden est celle de son positionnement politique. « Chacun a vu ce qu’il voulait dans l’élection de Biden, et la première année du mandat a été un retour à la réalité. Les progressistes n’avaient pas les moyens de faire voter tous les projets qu’ils avaient en tête, et les centristes proches de Biden n’avaient pas l’intention de transformer la société américaine. Après avoir montré sa capacité à gouverner avec tous lors de sa campagne, il a échoué à concilier les attentes de son camp », continue Maxime Chervaux. 

Le projet « Build Back Better », un ensemble de réformes sociales et environnementales à 1 800 milliards de dollars, illustre le fossé qui s’est creusé à gauche. Le sénateur démocrate de Virginie-Occidentale, Joe Manchin, a refusé le 19 décembre de voter ce plan. Problème : les démocrates disposent exactement de la moitié des sièges, si bien qu’une seule personne peut bloquer les réformes. Cette situation n’est pas nouvelle : un autre projet portant sur les droits civiques est également en pause. 

Le péché originel, l’Afghanistan

Le point de départ de la perte de popularité du président remonte à août 2021, lorsque les troupes américaines stationnées en Afghanistan sont rapatriées. « Biden n’a jamais caché lors de sa campagne qu’il allait se désengager d’Afghanistan. Le hic, c’est que ça s’est fait au prix de vies américaines et d’une évacuation catastrophique, rappelant le traumatisme de l’évacuation du Vietnam à la fin de la guerre », rappelle Maxime Chervaux.

Ce couac accentue le doute des Américains quant à la capacité de leur président à prendre des décisions difficiles. « Beaucoup  de personnes discutent de son âge, de sa capacité à mener beaucoup de projets, et notamment à être candidat en 2024 », ajoute le chercheur.

« Les électeurs retiennent les aspects négatifs »

Le président affiche pourtant quelques réussites : un plan de relance à 1 900 milliards de dollars finançant notamment la campagne vaccinale, ou le vote d’un plan de 1 200 milliards de dollars pour rénover les routes et les ponts américains délabrés depuis des décennies. Mais le camp démocrate ne parvient pas à mettre ces succès en avant. « Beaucoup d’électeurs retiennent les aspects négatifs : il y a un vrai défaut de communication du côté démocrate », poursuit Maxime Chervaux.

Sortie de la crise sanitaire, vote du projet de loi sur le climat et la santé, inégalités raciales… Les dossiers s’amoncellent sur le bureau ovale et annoncent tout autant de défis pour la présidence américaine en 2022. « Tout dépend des élections de mi-mandat en novembre prochain. S’il perd le Sénat, il ne pourra agir que par décrets présidentiels », conclut le chercheur.

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