Guillaume Peltier, le chat noir de la droite française

Après avoir changé quatre fois de parti politique depuis ses débuts, enchaînant les échecs électoraux, Guillaume Peltier tente un cinquième mouvement. Cette fois-ci au sein de l’équipe d’Éric Zemmour, en tant que porte-parole. Le député est de ces hommes qui se cherchent, dessinant leur horizon politique dans le reflet des vagues et des bourrasques de vent.

Un jour, le vent souffle vers l’Est. Le lendemain, il pousse vers l’Ouest. Un jour à droite, le lendemain, à l’extrême-droite. Tel est le credo du député du Loir-et-Cher Guillaume Peltier, passé par les couloirs des Républicains (LR), devenu, le 10 janvier, le porte-parole et vice-président de Reconquête, le parti d’Eric Zemmour. Un ralliement – que certains appelleront « revirement » – qui confirme la trajectoire atypique du politicien de 45 ans. Au-delà des nombreux retournements de veste, c’est surtout l’échec qui ponctue la carrière de Guillaume Peltier, au point d’attiser la moquerie. « Là où Peltier passe, les campagnes trépassent », a même lancé Marine Le Pen, dans une attaque pas si gratuite.  

Pourtant, l’homme politique fut jadis aux avant-postes des LR, officiant d’abord comme vice-président délégué du parti, puis comme vice-président jusqu’au 7 décembre 2021. Pendant la récente primaire des Républicains, remportée par Valérie Pécresse, Guillaume Peltier s’était rangé aux côtés de Xavier Bertrand, avant d’échouer et de se rallier à Éric Ciotti pour perdre à nouveau. Une fois l’élection terminée, le politicien ne s’était finalement pas fait attendre pour changer à nouveau de candidat. Au terme du meeting d’Éric Zemmour à Villepinte le 5 décembre, le député affirmait « ne pas rester insensible » au discours du candidat d’extrême-droite.

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Un homme qui a du flair ?

C’est désormais chose faite. Sa sensibilité a parlé. Son cœur a penché pour Éric Zemmour. « Un coup de tonnerre tant l’homme s’illustre par sa constance », ironise le chroniqueur politique de France Culture, Frédéric Says. Et de préciser : « Ce n’est jamais que le cinquième mouvement politique différent que Guillaume Peltier rejoint en deux décennies de vie publique ». L’homme politique, passé au Front national à ses débuts, rejoint en 2002 le Mouvement national républicain (MNR) de Bruno Mégret. Ensemble, ils échouent à la 12 ème place de l’élection présidentielle, avec un score de 2,35%. Sans se décourager, il rejoint ensuite Philippe de Villiers en 2007, et réalise un score de 2,23 % lors de la victoire de Nicolas Sarkozy. Pour Guillaume Peltier, il est temps de changer. Il décide de se convertir au sarkozysme en 2009 pour y gravir les échelons de la droite (et échouer aux côtés du président sortant en 2012). Il est élu député dans la deuxième circonscription du Loir-et-Cher en 2017, sa première (et unique) victoire.

« Ce n’est pas une trahison, a assuré Guillaume Peltier sur BFMTV, après avoir rallié Éric Zemmour. Je suis fidèle à mes convictions, à mes idées. » Malgré un penchant certain pour l’extrême-droite, il n’a pourtant pas toujours été sur une ligne zemmouriste. Après les élections européennes de 2019, où la liste récoltait le piètre score de 8 %, Guillaume Peltier voulait réformer la ligne de son parti. Il affirmait sur RTL : « Depuis quelques années, nous sommes devenus un petit parti conservateur. Nous nous sommes résumés à la rigueur budgétaire et au rigorisme moral. Ça ne nous va pas. Nous sommes très éloignés de l’ADN du gaullisme ». Lui voulait que le LR devienne « le parti de la laïcité ». Il déclarait, toujours sur les ondes de RTL : « Nous ne voulons plus d’un parti qui, pour s’opposer au communautarisme islamique, propose un autre communautarisme, chrétien ou autre », reprochant à son parti son « conservatisme sociétal ». Toute similarité avec le discours d’un ancien polémiste et actuel candidat à la présidentielle est fortuite.

Éric Zemmour s’était alors fendu d’une tribune contre Guillaume Peltier et Geoffroy Didier dans Le Figaro, un mois plus tard. Il commençait ainsi : « Longtemps, on les a confondus. On disait parfois Geoffroy Peltier et Guillaume Didier. Ils étaient les Jeunes Turcs de la droite ; ils en sont désormais les têtes de Turc. Les traîtres de comédie, ceux qui, en 2012, faisaient une razzia auprès des militants avec leur concept de droite forte. » Ceux-là même qui « aujourd’hui parlent, poursuivait-il, avec les accents d’une Christine Taubira ou d’une Rokhaya Diallo » – à savoir deux des personnalités publiques les plus éloignées d’Éric Zemmour.

« Triomphe des stratégies individuelles »

Mais en 2022, Éric Zemmour a fait de Guillaume Peltier un allié. Son porte-parole même. Le célèbre « la roue tourne va tourner » du footballeur Franck Ribéry nous revient en tête. Un comportement politique que la consultante en communication politique Christel Bertrand juge « banal », soulignant qu’« il change de parti, pas d’idées ». Frédéric Says y voit lui aussi une cohérence : « Guillaume Peltier proclame depuis toujours son amour immodéré du drapeau. Il voit une France qui est d’abord un long manteau d’églises et de villages, de bourgs et de faubourgs, de PMU et de PME ».

Un constat partagé par Ariane Ahmadi, spécialiste en communication et en stratégie politique. Pour elle, « l’époque est au triomphe des stratégies individuelles et opportunistes ». Elle convoque successivement la « mort des marques partisanes », la « volatilité électorale » et la « personnification », sinon la « désidéologisation » de la politique pour expliquer la bifurcation de Guillaume Peltier. Une figure qu’elle associe à une « droite nationale populiste, très patriote, pour la défense de PME et des petits gens blancs, qui ont morflé avec la mondialisation ». En somme, « la même ligne que Zemmour ».

Les deux compères revendiquent aujourd’hui l’union des droites. Ils veulent capter « les voix des catégories sociales supérieures et populaires », ajoute Ariane Ahmadi. Siphonner l’électorat populaire du RN d’un côté et « l’élite réactionnaire des LR » de l’autre. Et incarner le renouveau de la droite post-2022. Serait-ce en donnant un nouveau souffle au courant libéral-conservateur, qui « n’a jamais eu de parti », précise Ariane Ahmadi. La bataille au sein de la droite fait rage. Et d’autres girouettes ne manqueront pas d’apparaître au gré des vents printaniers.

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