CAN 2022 : pourquoi tant de ratés ?

La Coupe d’Afrique des Nations (CAN) au Cameroun est marquée par des échecs plus ou moins cocasses depuis le début de la compétition. Un amateurisme que le football africain doit au problème de la corruption.

Erreurs d’arbitrage, joueurs obligés de se changer dans le bus, hymnes zappés… L’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2022 au Cameroun connaît de nombreux ratés depuis le début de la compétition. Des échecs successifs qui pourraient prêter à sourire s’ils ne s’étaient pas soldés par la mort de huit personnes lundi 25 janvier, lors d’une bousculade devant le stade accueillant le huitième de finale Cameroun-Comores.

Le premier déboire notable remonte au 12 janvier. Lors du match entre le Mali et la Tunisie, l’arbitre zambien, Janny Sikazwe, donne le coup de sifflet final à la 85e minute. Face à la contestation des joueurs tunisiens menés 1-0, l’arbitre fait reprendre la rencontre, avant de siffler de nouveau la fin du match avant la fin du temps réglementaire, offrant ainsi la victoire au Mali.

« Une erreur individuelle », diront certains, comme le journaliste sportif spécialiste du football africain Lassana Camara, présent lors du match, qui estime auprès de Louze que l’arbitre a simplement « disjoncté ». D’autres préfèrent rappeler que celui-ci a déjà été suspendu pour des faits de corruption, en 2018. 

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Les Comoriens sans gardien

Une situation qui n’étonne guère Stanislas Frenkiel, historien du football ayant travaillé sur le Cameroun, contacté par Louze. « Le niveau de désorganisation de la CAN est peut-être lié à des faits de corruption qui amènent toujours à la logique de la loi du plus fort. Étant un petit pays, les Comores en ont fait les frais », explique-t-il. « Dans les années 1960, le football africain est marqué par une extrême politisation du football, la corruption des arbitres et le clientélisme de la presse », poursuit-il, bien qu’il ne connaisse pas les coulisses de l’affaire. 

Sur les réseaux sociaux, un autre couac a ravivé ces soupçons de corruption. Lors du match Comores-Cameroun, le 24 janvier, les premières ont été contraintes de jouer sans gardien. Deux d’entre eux ont en effet été testés positifs au Covid-19, tandis que le troisième se trouvait blessé. Mais alors que le gardien Ali Ahamada a finalement été testé négatif, celui-ci n’a pas pu disputer le match. La raison : les autorités médicales ont sorti une nouvelle directive la veille, obligeant un joueur positif à rester cinq jours en confinement.

La corruption n’épargne pas le monde du sport

Le Cameroun est 149ème sur 179 au classement des pays selon l’indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency International. Le football est un secteur qui ne fait pas exception. « Il y a des enjeux politiques, notamment pour le Cameroun et pour le président Paul Biya, en poste depuis 1982. L’idée, c’est de faire du football un instrument de propagande », développe Stanislas Frenkiel.

Mais comment expliquer les autres ratés ? Les Comoriens ont par exemple été contraints de se préparer dans le bus avant le match contre le Cameroun, embouteillés faute d’avoir été escortés. Rencontre durant laquelle le défenseur Chaker Alhadhur portait par ailleurs un maillot avec du scotch en guise de flocage. Autre raté : la Mauritanie privée de son hymne avant le match face à la Gambie, après une erreur technique.

De prime abord, ces échecs semblent relever davantage de l’amateurisme que de la corruption. Pourtant, pour l’historien, il est là encore question d’argent. « La corruption est généralisée au Cameroun, à tous les niveaux : de l’instituteur qui pique dans les caisses de l’école au journaliste, en passant par l’éducateur », témoigne-t-il.

« Pas les plus qualifiés aux meilleurs postes »

Par conséquent, selon l’enseignant-chercheur, « ce ne sont pas forcément les plus méritants, les plus honnêtes, les plus diplômés qui vont obtenir des postes à responsabilités », y compris dans le monde du football. « Le fait d’être président ou cadre d’une fédération offre des avantages, comme avoir un chauffeur, un salaire, une voiture, la possibilité de voyager en Europe. Ce ne sont donc pas forcément les plus qualifiés qui sont aux meilleurs postes. ».

C’est pour cette raison que l’on assiste à de tels amateurismes lors de la Coupe d’Afrique des Nations. L’expert précise toutefois que la corruption n’est pas la seule explication. « Certaines infrastructures datent des années 1960-70. Depuis, ils sont dans des états déplorables au Cameroun ».

Ces situations cocasses ne doivent cependant pas faire oublier le niveau élevé du football africain, comme celui du Cameroun, rappelle Stanislas Frenkiel. Avec cinq titres, le pays hôte est le deuxième à avoir remporté le plus de fois la CAN derrière l’Égypte (sept fois). Pour en remporter un sixième, le pays devra s’imposer en quart de finale face à la Gambie, samedi 29 janvier.

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