Logements sociaux : 1 commune sur 2 à la traîne

Depuis plus de vingt ans, la loi SRU impose aux communes françaises un taux de logements sociaux garantissant la mixité dans leur population. Pourtant, de nombreuses villes n’atteignent pas les quotas fixés par le législateur.

« Les maires délinquants, il faut les traiter comme des délinquants », s’insurge Daniel Blanc. Dans le viseur de ce représentant de la CGT au sein de la Fédération nationale des coopératives d’HLM (Coop HLM) : les mairies qui ne respectent pas la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Mise en place en 2000, celle-ci impose aux communes un quota de logements sociaux qui représente 20 à 25% de l’ensemble de leur parc immobilier. Les villes qui ne respectent pas cette obligation doivent combler leur déficit à hauteur de 5% par an. 

Des maires frileux au social

L’objectif de cette loi : « Équilibrer l’offre de logement sur les territoires urbains, là où il y a une demande de logements forte et permanente, entre du logement à bas prix et du logement classique », explique Sandrine Levasseur, chercheuse en économie à Sciences Po Paris. Ainsi, la loi SRU ne concerne qu’une minorité des communes françaises, les plus peuplées et les plus dynamiques. 

L’idée est de garantir la mixité sociale afin d’éviter que les communes les plus attractives soient réservées aux plus riches. Or, en 2020, parmi les 2091 communes en territoires SRU, plus de la moitié ne répondent pas aux exigences fixées par l’État. Ces villes sont dites « déficitaires »

« Il y a des difficultés, bien réelles, qui empêchent les communes d’atteindre leurs quotas », avance Sandrine Levasseur. « Le manque de foncier disponible à un prix abordable et les dépenses induites par la construction de logements sociaux comme des écoles ou des infrastructures sportives, font que certaines mairies n’atteignent pas leurs objectifs », poursuit l’économiste. Ces communes, pour lesquelles le déficit est justifié, n’ont à s’acquitter d’aucune amende.

Dans d’autres communes, la faiblesse du parc social s’explique par une mauvaise volonté des mairies. Malgré les sanctions économiques, des centaines refusent de créer de nouveaux logements sociaux. « Le locataire social pâtit de stéréotypes : travailleur précaire voire chômeur, à la tête d’une famille nombreuse, issu de l’immigration, assisté, etc. Certaines communes, généralement riches et à droite de l’échiquier politique, assument pleinement de ne pas construire des logements sociaux et acceptent en contrepartie de payer la « taxe SRU”, explique Sandrine Levasseur.

C’est le cas pour Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne (94), où le taux de logement social est de 8,8%, très loin des objectifs fixés. C’est d’ailleurs la ville où la taxe SRU est la plus élevée par habitant, près de 90 € chaque année. Le Maire, Sylvain Berrios (Les Républicains), régulièrement invité à s’exprimer sur le sujet, dénonce « l’application aveugle de la loi SRU par le Gouvernement », et la juge « intenable, irresponsable ». L’édile s’oppose au “triplement de rythme de construction 100% social », et annonce sur son site internet contester en justice l’amende SRU qu’il qualifie de « mesure de rétorsion »

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L’échec des préfets  

Une sanction économique trop peu incitative pour les acteurs du logement social. Pourtant, l’État a à sa disposition un autre moyen de contrainte : l’arrêté de carence pris par le préfet. En France, 280 communes sont actuellement frappées de carence avec une forte proportion en Ile-de-France et dans le Sud-Est du pays. 

L’arrêté de carence permet en effet à la préfecture de préempter, donc de racheter, des logements privés pour les transformer en logements sociaux. Elle peut également  reprendre la délivrance des permis de construire pour permettre de relancer des constructions de ce même type de biens. 

Mais selon Lionel Primault de l’Union social pour l’habitat, une organisation qui rassemble plusieurs fédérations d’organismes d’HLM, tous les moyens de coercition de l’Etat « ne sont pas mis à exécution de la même manière sur tout le territoire. Nous avons besoin que l’État applique les sanctions prévues». 

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